Dernier acte
Paru aux éditions Actes Sud, texte de Baudoin Lebon
Au-delà des vestiges, ce sont les empreintes et les témoignages qui se dégagent
de ces lieux oubliés qui me fascinent, devenant des scènes hors du temps.
L’homme n’est pas présent, mais on le devine partout. A.H.
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Le Monde
Par Claire Gilly, décembre 2019
Photos : "L’homme n’est pas présent, mais on le devine partout", confie Antoine Herscher
Les éditions Actes Sud publient "Dernier acte", un ouvrage qui réunit 67 clichés sur le même thème : des lieux abandonnés où la nature reprend ses droits.
Pour son ouvrage intitulé Dernier acte et paru aux éditions Actes Sud, cet arpenteur du réel, qui n’hésite pas à prendre des chemins de traverse et à camper son appareil en pleine nature, a choisi des lieux abandonnés. Mais pas n’importe lesquels puisqu’ils révèlent une présence humaine, si lointaine et oubliée soit-elle.
Dans l’objectif du photographe émergent alors des scènes et des décors oniriques, parfois inquiétants, toujours poétiques, où chacun peut s’inventer et se raconter des histoires. Voici un extrait en images commentées par lui-même.
Le salon littéraire - L'internaute
par François Xavier, novembre 2019
Il nous avait envoûtés avec "Arbor" en 2016, une série d’arbres vivants, maléfiques, intrigants, immortalisés dans un noir & blanc minéral et poétique ; voilà qu’il récidive sur une tout autre trame, celle de la quadrichromie, avec toute la difficulté que cela requiert dès lors que l’on s’attaque à la photographie d’art. Rien pourtant de définitif ni d’irrémédiable dans ce constat :
si l’Homme semble, en effet, en avoir fini, son acte ultime de l’abandon est une offrande à la Nature qui reprend ses droits, reine éternelle des lieux. Et sa Majesté – comme à son habitude – distille son humour dans des teintes de couleur et des jeux de formes en invitant mousses, arbres et éléments à redessiner le décor pour nous ordonner un tableau nouveau. Bateau échoué, coulé, piscine à herbes, avalanche de graviers, charpente trouée, ruines érectiles en insolence téméraire, pont suspendu, mobilier épars, cimetière irréel ; tout un cheptel que Prévert n’aurait pas renié, vont ainsi se disséminer dans des positions rocambolesques ou l’absurde titille l’équilibre…
Présenté dans un format italien, cet album remarquable n’est pas le résultat d’une démarche de baroudeur qui serait allé visiter des lieux interdits ; bien au contraire, il s’agit d’un poète qui parle avec ses yeux, donc qui nous peint sa vision d’une perspective impossible, d’une nature morte – et cette fois, elle prend tout son sens – qui d’abandon effectif se mue en formidable vecteur d’émotion, transcendant la beauté éternelle, première, absolue, d’une composition – quelle qu’elle soit – pour nous la proposer, hors contexte, extraite de son cadre naturelle où elle fut capturée par l’appareil photographique, pour nous la rendre plus magique encore, plus intrigante et ouverte à toutes les interprétations ; mais n’est-ce pas, justement, le but de toute œuvre d’art : faire se questionner le regardeur ?
L’ultime délice, à la fin de l’ouvrage, provient de l’étude des cartels qui nous prouvent que quatre-vingt-dix-huit pour cent des images ont été réalisées… en France ; et non dans des ex-pays totalitaires de l’Europe de l’est ; nous sommes bien dans les Bouches-du-Rhône et non en Sibérie ; dans Maine-et-Loire et non à Tchernobyl… ici aussi, l’Homme s’est défaussé sur la Nature, a oublié ses obligations, à laisser filer…
Heureusement pour nous, un poète-photographe n’a rien laissé passer…